Juridique

Maroc : Dossier Rachid Niny – Rapport de la mission d’observation internationale

RAPPORT SYNTHETIQUE SUR LA MISSION INTERNATIONALE D’OBSERVATION EFFECTUEE PAR UNE DELEGATION D’AVOCATS EUROPEENS

Maroc, Procès du journaliste Rachid Niny (Casablanca 17-18 mai 2011).

Mandatée par l’association des droits de l’homme AFD International, une mission d’observation composée de 7 avocats du Barreau de Bruxelles s’est rendue au procès qui se tenait devant la Cour d’Appel de Casablanca, au Maroc, le mardi 17 mai 2011.

I. Le contexte

Rachid Niny, journaliste et directeur de publication du groupe de presse Al Massae, a été arrêté et incarcéré depuis le 28 avril 2011.

Le journaliste est actuellement détenu depuis plus de trois semaines.

Il est accusé de « publication d’allégations et de faits erronés et montés de toutes pièces ayant suscité la panique parmi les citoyens » suite à différents articles publiés dans le journal Al Massae.

Le procès du journaliste symbolise la criminalisation de l’exercice du droit à la liberté d’expression au Maroc et la tendance des autorités marocaines à réduire au silence les voix dissidentes.

Un collectif de plus de 600 avocats marocains s’est constitué pour la défense du journaliste incarcéré. . Il regroupe toutes les tendances politiques et idéologiques du pays.

Me Khalid Soufiani, avocat au Barreau de Rabat est le coordinateur du collectif de défense du journaliste.

La gravité de cette situation quant aux libertés fondamentales a poussé l’AFD International à organiser une délégation internationale pour assister au procès et soutenir le journaliste détenu.

L’audience qui s’est tenue le mardi 17 mai est le 3 ième report suite aux demandes des représentants du journaliste afin d’obtenir le minimum de conditions pour un procès équitable.

Après s’être identifiés auprès des policiers devant le Tribunal, les observateurs internationaux ont pu accéder sans difficulté à la salle d’audience.

II . Les constatations de la délégation – audience du 17 mai 2011

L’audience de la Cour d’Appel / Tribunal de première instance s’est ouverte une heure en retard à 15 heures et la seule cause qui devait être jugée ce jour-là était celle de Monsieur Rachid Niny

Le Tribunal était composé d’un Président et de quatre Juges assesseurs, dont deux stagiaires, assistés d’un greffier. Le Parquet était représenté par un Procureur du Roi.

Le détenu est amené par des policiers et décline son identité devant le Tribunal.

Poursuites à l’encontre de Monsieur Niny sur base du Code pénal

Le journaliste est poursuivi sur base du Code Pénal alors qu’il devrait s’agir du code de la presse.

En effet, Monsieur Rachid Niny est poursuivi sur base d’articles du Code Pénal :

En outre, la mission constate également qu’au moins une vingtaine d’articles du Code de la Presse marocain prévoient toujours des peines de prison.
Art : 20/28/29/30/39/39bis/40/41/42/45/46/51/51bis/52/53/59/60/62/63/65

Incarcération d’un journaliste

La mission d’observation constate que Monsieur Niny est incarcéré depuis le 28/04/2011 en raison des articles qu’il a écrits, aucun autre fait ne lui est reproché.

Les conditions de détention sont particulièrement strictes. Il n’est pas considéré comme en régime d’isolement mais d’exception.

Les contacts avec les autres détenus sont interdits. Les contacts avec ses conseils et sa famille sont étroitement et strictement surveillés.

Les autorités pénitentiaires lui ont confisqué tout stylo et lui interdisent d’écrire. Ce que ses conseils marocains qualifient de « torture blanche ».

Refus de libération provisoire

Toutes les demandes de mise en liberté provisoire sollicitées par les avocats de Monsieur NINY ont été rejetées bien que toutes les garanties soient manifestement présentes :

  • C’est un journaliste
  • PDG du groupe Al massae
  • Garantie monétaire

Le Tribunal reporte au lendemain, la décision quant à la libération provisoire sollicitée une nouvelle fois par la défense.

Le 18 mai 2011, comme le craignaient les avocats de la défense la libération provisoire, a été une nouvelle fois rejetée par le Tribunal.

L’accès au Palais de justice est particulièrement difficile

La mission d’observation constate la présence massive et disproportionnée de policiers devant le Palais de justice.

L’entrée du Tribunal est étroitement contrôlée. Des barrières habituellement absentes sont érigées tout le long de l’entrée afin d’éviter tout attroupement directement devant le Palais de justice.

Les conditions dans lesquelles se déroulent les audiences sont interpellantes

La salle prévue pour accueillir le procès de Monsieur NINY est manifestement inappropriée.

La mission d’observation constate que :

  • La salle d’audience n’est pas aérée
  • Le système de climatisation est désactivé
  • La salle est exigüe et ne permet pas d’accueillir l’ensemble des conseils du prévenu
  • Un seul micro est prévu pour l’ensemble des avocats

Ainsi, plus de 300 avocats sont les uns sur les autres dans une salle d’audience faisant approximativement prés de 10 mètres sur 15, rendant l’atmosphère suffocante est difficilement supportable

A plusieurs reprises les avocats du prévenu protesteront contre les conditions matérielles du procès, et solliciteront en vain le report de l’audience afin que celle-ci se déroule dans des conditions acceptables, respectueuses des droits de la défense.

De nombreux avocats du journaliste nous font part de leur sentiment, devant le refus du tribunal face à cette demande, qu’il s’agit, disent-ils, de punir les avocats, rendant en réalité, l’accomplissement de leur travail impossible.

Il est manifeste pour nous que les conditions pour un procès pouvant permettre un déroulement normal semblent absentes.

Des manifestations populaires de soutien au journaliste incarcéré

Nous constatons une importante présence de personnes venues manifester leur soutien à Monsieur NINY à l’extérieur du Palais de justice. Tous les manifestants réclamant la libération du journaliste.

Selon les avocats de la défense, les manifestations de soutien sont présentes à chaque transfert du détenu devant le Tribunal.

Une absence quasi-totale de couverture médiatique de l’affaire

Malgré l’importance du procès, nous constatons une absence totale de couverture et de présence médiatique lors des audiences.

Nombreux sont ceux qui nous ont fait valoir, que les médias officiels auraient reçu  » pour instruction » de ne pas couvrir l’évènement.

Les représentants de la délégation d’observation judiciaire présents au Maroc

Me Samira Gazzaz
Me Pascal Guillaume Tefengang
Me Isa Gultaslar
Me Elvir Hasandjekic
Me Eddy Kiaku
Me Constant Laffineur
Me Hicham Chibane
Youssef Chihab (AFD International)

Liste des signataires du comité de soutien

Avocats

Me André Karongozi, Belgo-rwandais
Me Anouck Duquesne
Me Constant Laffineur, Francais
Me Didier Okeke Djanga, Belgo-congolais
Me Dounia Alamat, Belgo-jordanienne
Me Eddy Kiaku, Belgo-congolais
Me Elvir Hasandjekic, Belgo-albanais
Me Germain YAMBA, Français
Me Hicham Chibane, Belgo-marocain
Me Isa Gultaslar, Belgo-turc
Me Laura Aulmann, Allemande
Me Makram Itani, Franco-libanais
Me Mehdi Abbes, Franco-tunisien
Me Pascal Guillaume Tefengang, Belgo-camrounais
Me Samira Gazzaz, Franco-tunisienne
Me Serge Manesse, Belge
Me Tuci Sonila, Belge
Me Vincent Lurquin, Belge
Me Youna Malolo Belgo-congolaise, Assistante de conseil auprès de la Cour Pénal International

ONG

ACHR (Paris)
AFD International

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