Ce 25 juin 2021 le président tunisien Kaïs Saïed a invoqué l’art 80 de la Constitution tunisienne pour limoger l’ensemble du gouvernement, et a gelé par la même occasion le parlement et donc l’ensemble des parlementaires. Selon lui, cette procédure est lancée pour une durée de 30 jours et un nouveau chef du gouvernement devrait être désigné prochainement.
Selon nous, cette action menée par le président de la Tunisie met en danger la stabilité du pays. Nous rappelons que la séparation des pouvoirs est essentielle au fonctionnement démocratique d’un Etat de droit. Elle arrive dans un contexte où la Tunisie connaît une grave crise sanitaire liée à la pandémie de la COVID. De plus, pour ce pays reconnu comme la seule réelle démocratie du monde arabe, cette annonce a fait l’effet d’une bombe. On constate déjà des affrontements entre les différents partisans, nous craignons que ces affrontements fassent des victimes parmi la population.
Une chose est certaine, cette décision est belle et bien anticonstitutionnelle. L’art 80 de la constitution prévoit bien la possibilité « En cas de péril imminent menaçant la Nation ou la sécurité ou l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le président de la République peut prendre les mesures requises par ces circonstances exceptionnelles », mais rien dans les faits ne permet de justifier que cet article soit applicable dans le cas présent. De plus, cet article ne peut s’appliquer qu’à la condition que soit consultés le chef du Gouvernement, le président de l’Assemblée des représentants du peuple et d’avoir informé le président de la Cour constitutionnelle. Conditions qui apparemment n’ont pas été respectées par le président tunisien. Nous pouvons également affirmer que le fait de geler l’assemblée des représentants comme l’a fait le président est anticonstitutionnel, car l’art. 80 prévoit que « L’Assemblée des représentants du peuple est considérée, durant cette période, en état de réunion permanente. Dans ce cas, le président de la République ne peut dissoudre l’Assemblée des représentants du peuple et il ne peut être présenté de motion de censure à l’encontre du Gouvernement. » Il n’est donc pas permis, selon les textes, de dissoudre ou de limoger les membres du parlement. Et encore moins d’interdire l’accès aux élus par décision purement administrative et sécuritaire.
Nous dénonçons avec force le comportement des autorités tunisiennes qui ont perquisitionné sans ménagement les locaux d’Al Jazeera à Tunis ce matin. Ceci en infraction avec les traités internationaux et avec l’art. 31 de la constitution qui stipule que : « Les libertés d’opinion, de pensée, d’expression, d’information et de publication sont garanties. » et qui rappelle que « ces libertés ne sauraient être soumises à un contrôle préalable. »
Nous alertons la communauté internationale face à ce déni de droit qui risque d’embraser la Tunisie.
Pour toutes ces raisons, notre organisation appelle le président Kaïs Saïed à rétablir l’Etat de droit et à respecter la constitution tunisienne et les traités internationaux tel que ratifiés par cet Etat.
AFD International
Département MENA