Lors de la conférence du 19 juin 2018 au Palais des Nations à Genève, AFD International est intervenu sur la question de la peine de mort en Egypte.
Lors de notre intervention, il a été rappelé que la peine de mort, est encore appliquée par 57 Etats dans le monde. Parmi ces Etats, les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite pratiquent à ce jour toujours la peine capitale et l’on note que les premières victimes, sont les couches sociales les moins favorisées. Avec pour les Etats-Unis, une très forte représentativité des gens de couleur ou d’origine étrangère, ce qui témoignent du fait que ce type de sanctions, contre nature, qui consiste à retirer la vie à un individu, ne peut pas être remise entre les mains d’un juge, sans risque qu’elle soit utilisée pour une autre raison que celle, pour laquelle l’individu est jugé officiellement.
En ce qui concerne la peine de mort en Egypte, les chiffres que nous avons en notre possession sont inquiétants. En effet, on dénombre des centaines de milliers d’arrestations, plusieurs centaines de condamnations à mort et des dizaines d’exécutions effectives par pendaisons.
Les arguments les plus souvent avancés pour légitimer ces exécutions, que l’on peut qualifier d’un autre temps sont (sans prendre en compte les faits de droit commun):
1- La participation dans des actes terroristes
2- la participation dans une organisation terroriste.
3- la collaboration avec un Etat étranger.
4- La participation à des manifestations non autorisées.
Nous avons également rappelé les trois temps forts qui ont marqué cette période:
1- la chute du président Hosni Moubarak le 11 février 2011 qui se maintenait au pouvoir par la force depuis près de 30 ans et qui a été bouté hors du pouvoir par la jeunesse égyptienne.
2- Le coup d’Etat du 3 juillet 2013, par l’armée contre le premier président élu de l’histoire de l’Egypte, Monsieur Mohamed Morsi
3- Les massacres de la place Rabaa, où pour assoir son pouvoir, le Maréchal Al Sissi a donné l’ordre à l’armée et les forces de l’ordre d’exécuter de sang-froid les manifestants réunis pacifiquement sur la place depuis plusieurs semaines. Entre le 14 et le 16 aout 2013, plus de 2600 manifestants ont perdu la vie et près de 4000 autres ont été blessés. Les victimes seront pour une partie considérable composés de femmes, d’enfants et de personnes âgées, il y aura par la suite des milliers d’arrestations.
Devant les réactions timides de la communauté internationale, le nouvel homme fort a exercé une répression sans précédent. La police, l’armé, la justice et même la presse sous toutes ses formes ont été utilisées, non pas pour protéger/informer les égyptiens, mais ont été utilisés comme une arme de répression, contre toutes formes d’opposition au nouveau régime en place.
Depuis lors, rien ne peut faire plier ce régime qui s’accroche au pouvoir malgré la situation économique et sociale déplorable dans ce pays.
Le 5 janvier 2018 le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme s’est dit choqué du fait que sur une semaine 20 personnes avaient été exécutées par pendaison . Nous confirmons que depuis 2013 des milliers de personnes ont été emprisonnées, des centaines ont été systématiquement torturées, jugés sans garantie d’avoir un procès équitable et nous dénombrons même plusieurs cas de civils qui ont été jugés et condamnés par des tribunaux militaires.
Des centaines de condamnations à mort ont été prononcées par les tribunaux, en mars 2014 lors d’un procès de masse de plus de 600 personnes, et où 529 ont été condamnés à mort sur une seule journée, pour le meurtre d’un policier .
Nous avons rappelé que l’utilisation de la justice comme une arme de répression n’est pas acceptable. La justice qui se doit d’être indépendante est utilisée en Egypte pour terrifier la population et annihiler toutes formes d’oppositions.
Les faits qui sont reprochés aux condamnés sont graves et les responsables des actes de violences doivent sans conteste être arrêtés et jugés. Ce que nous contestons c’est la manière dont les enquêtes sont menées. Nous demandons à avoir un minimum de garantie que les enquêtes sont bien menées d’une manière indépendante et totalement transparentes.
Nous appelons les autorités au pouvoir en Egypte à faire sorte :
– que la peine de mort soit abolie ou plus appliquée
– que les procès équitables soient garantis par la justice
– qu’un terme soit mis aux tortures systématiques dans les commissariats et dans les prisons
– que le droit de manifester soit garanti
– que le droit d’association soit respecté
– que les journalistes ne soient plus la cible d’attaques de la part des autorités.
– que les médias ne soient pas utilisés comme des outils de propagande qui élèvent les citoyens les uns contre les autres .
– Et pour finir que les mineurs doivent être protégés.
AFD International
Département Moyen-Orient et Afrique du Nord
Genève
19 juin 2018